Published on March 12, 2024

Contrairement à l’idée de multiplier les « petits gestes », réduire drastiquement votre empreinte carbone transport au Québec repose sur l’identification et la maîtrise de 2 à 3 leviers d’impact majeur.

  • L’impact de vos transports n’est pas uniforme : un seul vol transatlantique peut émettre autant que 18 mois de déplacements en voiture.
  • La clé est de passer d’une approche de culpabilité à une gestion de « comptabilité carbone personnelle » : mesurer, suivre et arbitrer.

Recommandation : Concentrez 80% de vos efforts sur la réduction de l’auto solo et du transport aérien, car ils représentent la quasi-totalité de votre budget carbone transport.

En tant que Québécois éco-conscient, vous êtes probablement bombardé d’injonctions pour réduire votre empreinte carbone. On vous dit de prendre le transport en commun, de faire du covoiturage, d’opter pour le vélo. Ces conseils, bien qu’intentionnés, créent souvent une confusion : quel effort a un impact réel ? Comment savoir si vos actions font une différence tangible ou ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan ? Vous avez l’impression de naviguer à vue, sans boussole, face à des chiffres abstraits comme les « tonnes de CO2 ».

La plupart des guides se contentent de lister des éco-gestes, vous laissant dans le flou quant à leur poids réel. On vous parle d’électrification, de pneus verts, de conduite souple, mais rarement de l’ordre de grandeur de chaque action. Cette approche fragmentée mène à la frustration et à un sentiment d’impuissance. On peut vite se sentir coupable de prendre sa voiture pour l’épicerie tout en ignorant l’impact colossal d’un voyage de vacances. Le vrai problème n’est pas un manque de volonté, mais un manque d’outils pour prioriser.

Mais si la véritable clé n’était pas de multiplier les efforts, mais de les concentrer là où ils comptent vraiment ? Et si, au lieu de vous culpabiliser, on vous donnait les outils pour devenir le propre directeur financier de votre bilan carbone ? Cet article adopte une perspective radicalement différente : celle de la comptabilité carbone personnelle. Nous allons cesser de parler de « gestes » pour parler de « leviers d’impact majeur ». En nous basant sur des données spécifiquement québécoises, nous allons vous montrer comment mesurer précisément votre point de départ, identifier les 2 ou 3 décisions qui génèrent 80% de la réduction, et suivre votre progression vers un objectif réaliste de 1,8 tonne par an.

Ce guide vous accompagnera pas à pas, de la mesure initiale à la neutralisation de vos émissions incompressibles. Vous découvrirez pourquoi certains choix apparemment anodins pèsent lourd dans la balance et comment des changements structurels, même imparfaits, sont infiniment plus efficaces qu’une perfection de façade. Préparez-vous à reprendre le contrôle de votre impact, chiffre par chiffre.

Comment calculer vos tonnes de CO2 de transport en 15 minutes avec les données réelles du Québec

Pour cesser de naviguer à vue, la première étape est de dresser un portrait juste de votre situation. L’objectif n’est pas la précision scientifique absolue, mais d’obtenir un ordre de grandeur fiable pour prendre des décisions éclairées. Au Québec, le secteur des transports est une cible prioritaire, car il est responsable de plus de 31,2% des émissions totales de la province. Votre part personnelle dans ce chiffre est la fondation de votre plan d’action. Oubliez les calculateurs génériques ; utilisons des données locales pour un diagnostic rapide et pertinent.

Le principe est simple : pour chaque mode de transport, vous multipliez la distance parcourue par son facteur d’émission spécifique. Voici un plan d’action pour y parvenir en moins de 15 minutes :

  1. Compilez vos données de déplacement : Utilisez l’historique de vos trajets sur Google Maps (Timeline) pour estimer vos kilomètres annuels en voiture. Pour le carburant, consultez vos relevés bancaires. Pour les transports en commun, votre historique d’achat de titres (ex: carte Opus) est une mine d’or.
  2. Utilisez les facteurs d’émission québécois : C’est ici que la personnalisation opère. N’utilisez pas de moyennes mondiales. Au Québec, une voiture moyenne (incluant les VUS) émet environ 243 g de CO2e par kilomètre. Le REM, lui, affiche un facteur remarquablement bas à 2,36 g de CO2e par kilomètre.
  3. Calculez l’impact de l’aérien avec justesse : Pour les vols, l’altitude a un effet démultiplicateur. Il faut appliquer un facteur de forçage radiatif d’environ 1,9 aux émissions de CO2. Un vol Montréal-Paris (environ 1 tonne de CO2) compte donc pour près de 1,9 tonne dans votre bilan réel.
  4. Additionnez toutes les sources : N’oubliez rien. Additionnez vos trajets quotidiens (travail, école, courses), vos voyages occasionnels (week-ends, vacances) et même les émissions liées aux livraisons à domicile (qui sont une forme de transport).
  5. Comparez-vous pour agir : Une fois votre total annuel calculé (en tonnes), comparez-le aux profils types québécois : un banlieusard typique utilisant principalement sa voiture se situe autour de 4,2 tonnes de CO2 par an pour ses transports, tandis qu’un usager intensif des transports en commun et de la mobilité active peut descendre à 1,8 tonne. Cet écart de 2,4 tonnes, c’est votre potentiel de réduction.

Ce tableau, basé sur les données d’exo, met en lumière les écarts colossaux entre les différents modes de transport au Québec, justifiant l’importance d’un arbitrage modal éclairé.

Émissions par mode de transport au Québec
Mode de transport Émissions (g CO2e/km) Comparaison
REM/Métro 2,36 Référence
Autobus régulier 100-120 ~42x plus que le REM
Voiture solo (moyenne QC) 243 ~103x plus que le REM
Camion léger/VUS 320 ~136x plus que le REM

Maintenant que vous disposez d’un chiffre de départ, vous n’êtes plus dans le flou. Vous avez une métrique claire, un point de référence pour mesurer chaque progrès futur. Vous êtes passé du statut de passager passif à celui de pilote de votre propre transition.

Pourquoi vos 2 vols annuels émettent autant que 18 mois de trajets en auto solo au Québec

Une fois le calcul de base effectué, l’un des premiers chocs pour beaucoup est la découverte de l’impact disproportionné du transport aérien. Dans notre « budget carbone », l’avion n’est pas une dépense comme les autres ; c’est un investissement à très haut risque pour le climat. On a tendance à le considérer comme un événement ponctuel, déconnecté de nos habitudes quotidiennes. Pourtant, en termes d’émissions, quelques heures dans les airs peuvent anéantir des mois d’efforts au sol.

Prenons un exemple concret et conservateur. Un seul aller-retour entre Montréal et Paris émet près de 2,9 tonnes de CO2 par passager, en incluant le forçage radiatif. Pour mettre ce chiffre en perspective, une voiture moyenne au Québec qui parcourt 12 000 km par an émet environ 2,9 tonnes. Cela signifie qu’un unique voyage en Europe équivaut à une année complète d’utilisation de votre voiture pour tous vos déplacements. Si vous prenez deux vols de ce type par an, leur impact équivaut à près de 6 tonnes de CO2, soit plus que 18 mois de déplacements en auto solo pour un banlieusard moyen.

Cette comparaison visuelle aide à saisir le déséquilibre fondamental entre les différents postes d’émissions de transport. L’avion est un levier d’impact majeur, dans le bon comme dans le mauvais sens.

Comparaison visuelle des émissions entre un modèle réduit d'avion et plusieurs voitures miniatures sur une balance, symbolisant leur impact carbone disproportionné au Québec.
Written by Catherine Bélanger, Catherine Bélanger est urbaniste et conseillère en mobilité durable depuis 13 ans, membre de l'Ordre des urbanistes du Québec (OUQ) et titulaire d'une maîtrise en aménagement du territoire de l'Université de Montréal. Elle dirige actuellement les projets de mobilité active et de transport collectif pour une municipalité de la Montérégie comptant 85 000 habitants.