Published on May 18, 2024

La durabilité d’un groupe de covoiturage ne repose pas sur la chance, mais sur un système structuré qui anticipe les frictions humaines et financières.

  • Calculez la contribution financière avec une méthode transparente pour éliminer toute ambiguïté sur l’argent.
  • Formalisez votre accord dans une “charte de covoiturage” qui sert de contrat social et de référence en cas de doute.

Recommandation : Avant même de chercher des passagers, consacrez 80% de votre énergie à bâtir le cadre (règles, coûts, protocole) et seulement 20% au recrutement. C’est le secret de la longévité.

Pour tout travailleur québécois qui parcourt des dizaines, voire des centaines de kilomètres chaque jour, la vue du prix de l’essence qui grimpe est une source de stress constant. La solution du covoiturage semble évidente : diviser les coûts, réduire son empreinte carbone et peut-être même rendre le trajet moins monotone. Beaucoup se lancent sur des plateformes comme Poparide ou des groupes Facebook, trouvent rapidement trois autres personnes, et l’aventure commence. Pourtant, six mois plus tard, la plupart de ces groupes ont implosé. Les retards chroniques, les désaccords sur l’argent ou la conduite en hiver ont eu raison des meilleures intentions.

L’erreur commune est de croire que le covoiturage est une simple question de logistique et de bonne entente. On se concentre sur le “comment trouver des gens” et on néglige le “comment faire durer le groupe”. On espère que le bon sens suffira, jusqu’au jour où un détail trivial – une demande d’arrêt imprévu au Tim Hortons, une discussion sur la température dans l’habitacle – devient une source de conflit larvé. La réalité, c’est qu’un covoiturage qui fonctionne sur le long terme n’est pas le fruit du hasard ou de l’amitié spontanée. C’est un micro-système social et économique qui demande un peu d’ingénierie avant son lancement.

Mais si la véritable clé n’était pas de trouver les “bonnes” personnes, mais plutôt de construire le “bon” cadre qui permet à des personnes différentes de collaborer sans friction ? Cet article adopte une perspective pragmatique, celle d’un médiateur. Oublions les vœux pieux et concentrons-nous sur les mécanismes qui assurent la pérennité. Nous allons décortiquer comment bâtir un contrat social clair, calculer des coûts indiscutables, anticiper les conflits avant qu’ils n’émergent et, finalement, transformer une simple voiture partagée en une solution de transport fiable et durable pour des années, spécifiquement dans le contexte québécois.

Cet article vous guidera pas à pas à travers les piliers essentiels pour construire un groupe de covoiturage non seulement fonctionnel, mais aussi résilient. Explorez notre sommaire pour naviguer à travers les étapes clés de cette organisation.

Comment calculer la vraie contribution de chaque covoitureur : 0,18 $CAD/km, 0,25 $CAD/km ou autre

La question de l’argent est la première cause d’échec des groupes de covoiturage. Une estimation “à la louche” basée uniquement sur le prix de l’essence est une bombe à retardement. Pour bâtir un système durable, il faut une transparence totale et une méthode de calcul acceptée par tous. L’objectif n’est pas de faire du profit, mais de couvrir équitablement les coûts réels d’utilisation du véhicule.

La référence la plus solide au Canada est fournie par l’Agence du revenu du Canada (ARC). Pour 2024, l’ARC établit une allocation raisonnable pour l’utilisation d’un véhicule à des fins professionnelles, qui sert d’excellente base neutre. Selon les taux officiels, le calcul est de 0,70 $/km pour les 5 000 premiers kilomètres et de 0,64 $/km pour les kilomètres suivants. Ce montant couvre l’essence, mais aussi l’usure, l’assurance, l’entretien et la dépréciation, des coûts souvent oubliés.

Cependant, pour une précision maximale adaptée à votre situation, CAA-Québec propose une méthode de calcul plus personnalisée. Cette approche consiste à additionner tous vos coûts pour obtenir votre coût réel par kilomètre. Voici comment procéder :

  • Calculez vos coûts fixes annuels : Cela inclut votre immatriculation à la SAAQ, vos assurances, la dépréciation du véhicule (environ 10-15% par an), et les paiements de financement ou de location.
  • Additionnez vos coûts variables : Pensez à l’essence, aux changements d’huile, à l’entretien régulier et, bien sûr, au coût de vos pneus d’hiver obligatoires au Québec.
  • Divisez le total par votre kilométrage annuel : Vous obtiendrez un chiffre précis, votre véritable coût kilométrique. Ce chiffre se situera souvent entre 0,45 $ et 0,65 $ pour une voiture compacte.

Une fois ce coût par kilomètre établi (par exemple, 0,54 $/km), le calcul de la contribution est simple : (Distance totale du trajet A/R en km * Coût par km) / Nombre total de personnes dans la voiture. Ce résultat, basé sur une logique transparente, devient le pilier financier de votre entente et prévient toute discussion future sur le montant “juste”.

Comment formaliser votre entente de covoiturage en 2 pages pour éviter 90% des conflits futurs

L’enthousiasme du début peut faire croire que la parole donnée suffit. C’est une erreur. Ce qui semble évident pour vous (ne pas fumer, arriver à l’heure) ne l’est pas forcément pour les autres. La solution n’est pas de multiplier les règles, mais de créer un “contrat social” de covoiturage. Ce document simple, de une à deux pages, n’est pas un contrat légal rigide, mais une charte de bonne conduite qui sert de référence commune et désamorce les ambiguïtés.

Ce document doit être co-créé et signé par tous les membres lors de la première rencontre. Il doit être perçu non pas comme une contrainte, mais comme l’outil qui garantit la sérénité et la pérennité du groupe. Pensez également à vérifier votre police d’assurance automobile. La plupart des assureurs au Québec couvrent le covoiturage tant qu’il s’agit d’un partage de frais sans profit, mais une validation rapide est une précaution indispensable.

Mains de quatre personnes signant ensemble une entente de covoiturage
Written by Catherine Bélanger, Catherine Bélanger est urbaniste et conseillère en mobilité durable depuis 13 ans, membre de l'Ordre des urbanistes du Québec (OUQ) et titulaire d'une maîtrise en aménagement du territoire de l'Université de Montréal. Elle dirige actuellement les projets de mobilité active et de transport collectif pour une municipalité de la Montérégie comptant 85 000 habitants.